ARNAUD DESJARDINS
– un maître spirituel –
Arnaud Desjardins est né à Paris le 18 juin 1925, dans une famille protestante. Son père est très impliqué dans le mouvement scout et proche de son fondateur, Robert Baden-Powell. L’éducation qu’il reçoit est stricte, le bien et le mal y sont très tranchés.
Quelques figures cependant ouvrent sur d’autres horizons : son grand-père maternel adoré, Albert Nègre, lui raconte ses voyages en Orient, illustrés par des albums de photographies qui fascinent l’enfant ; une tante très aimée, admiratrice de Saint François d’Assise, reçoit Swâmi Siddheswarânanda, le premier Swami à être accueilli en France.
Adolescent idéaliste et timide, Arnaud Desjardins se passionne pour le théâtre. Ses parents lui offrent le cours Simon qu’il fréquente en parallèle à ses études à Sciences-Po. Il rêve de devenir comédien mais est contraint d’y renoncer sous la pression parentale.
En 1948, à l’âge de 23 ans, il découvre les groupes Gurdjieff. Il y sera engagé très sérieusement durant 16 ans. En 1949, ses fiançailles avec une jeune fille protestante sont rompues à l’initiative du père de la fiancée car il a contracté la tuberculose, une maladie jugée honteuse à l’époque. Cet événement très douloureux amorce pour Arnaud une remise en question du protestantisme rigide de son enfance. Son séjour au sanatorium des étudiants de Saint Hilaire du Touvet, en Isère, est l’occasion d’une formidable ouverture : il se lie d’amitié avec des personnes de milieux sociaux et culturels très divers, dévore avec émerveillement les ouvrages à sa disposition sur les spiritualités orientales : Jean Herbert, René Guénon, Ramakrishna et Vivekananda ainsi que le livre d’Ouspensky, Fragments d’un enseignement inconnu, qui présente l’enseignement de Gurdjieff.
En 1952, après un début de carrière professionnelle difficile, il entre à la Radiodiffusion Télévision Française (RTF) où il travaille comme assistant pour les réalisateurs Marcel Bluwal et Stellio Lorenzi. Dans les groupes Gurdjieff, il fait la connaissance de Denise Marchina, jeune femme au caractère bien trempé, peintre et décoratrice sous le nom de Denise Chesnais, qu’il épouse en 1956.
Durant l’été 58, Arnaud Desjardins, le protestant, effectue une retraite de 3 semaines à l’abbaye de Bellefontaine : découverte émerveillée de la spiritualité monastique et amitié profonde et fidèle avec Dom Emmanuel Coutant, abbé du monastère.
Au hasard d’un livre, une photographie de la sainte indienne Mâ Anandamayi le bouleverse profondément et fait naître en lui le désir de la rencontrer. Il pratique par ailleurs le Hatha Yoga depuis plusieurs années et désire se perfectionner en Inde.
Le projet de voyage se concrétise en 1959, associé au tournage d’un film pour la télévision. Arnaud rencontre et filme de grands sages hindous : Swâmi Shivananda, Swâmi Ramdas et surtout Mâ Anandamayi dont la présence l’éblouit.
Le film Ashrams, issu de ce premier voyage, est diffusé à la télévision et connaît un grand succès. C’est le début d’une carrière d’explorateur, de conférencier et de réalisateur de documentaires portant sur les spiritualités orientales.
En 1964-1965, le Dalaï-Lama lui donne son accord pour tourner une série de films sur le Bouddhisme tibétain. Arnaud passe plusieurs mois en Inde, auprès des plus grands maîtres exilés qui l’autorisent à filmer des cérémonies jusque-là secrètes. Plusieurs d’entre eux lui demandent sur quelle voie spécifique il est lui-même engagé. Il vient de quitter les groupes Gurdjieff : la question est brûlante, lancinante… Il décide de se rendre auprès de Swâmi Prajnânpad, un maître peu connu, dont Daniel Roumanoff, un français rencontré en Inde, lui avait donné l’adresse… 6 ans auparavant !
En 1965, il effectue un premier séjour à Channa, au Bengale, qui s’avère décisif : Swâmi Prajnânpad parle anglais, la relation avec lui est directe, sans interprète ; la voie qu’il propose est issue de la pure tradition védantique et cependant compatible avec une vie familiale et professionnelle. Elle est concrète, applicable dans le monde, sans être pour autant moins exigeante qu’une voie de moine ou de renonçant. Arnaud est enfin de plain-pied sur le chemin. Se succèdent alors expéditions en Inde, en famille, avec Denise et leurs deux enfants, Muriel et Emmanuel, tournages de films et publication de livres. Son premier ouvrage, Yoga et spiritualité, est suivi d’Ashrams et du Message des Tibétains, inspirés des films du même nom. À la fin des années soixante, Arnaud commence l’écriture des Chemins de la sagesse, trois tomes nourris de l’enseignement qu’il reçoit auprès de Swâmi Prajnânpad.
Pendant toute cette période, Arnaud effectue des séjours réguliers auprès de son maître qui le guide dans tous les domaines de son existence. Son ascèse s’intensifie et le conduit, en 1971, à une expérience décisive et irréversible qu’il décrira toujours sobrement, tout en affirmant son caractère radical.
Son activité de réalisateur se poursuit néanmoins et il signera encore deux films : l’un portant sur les maîtres et les confréries soufies d’Afghanistan et l’autre, sur le maître zen Sensei Deshimaru.
La diffusion de ses films à la télévision et les interviews qui les accompagnent, attirent à lui des chercheurs spirituels qu’il reçoit chez lui, à Paris. Swâmi Prajnânpad lui demande de transmettre à son tour : « Arnaud, que vous parliez à deux millions de personnes à la télévision, à deux mille dans une salle de conférences, ou à deux dans votre demeure, votre vraie nature est de témoigner et de donner. »
Il achète une maison isolée près de Saint Gervais d’Auvergne et, avec l’aide de son épouse Denise et de quelques bénévoles, il y crée son premier ashram, selon les instructions précises de Swami Prajnanpad.
Quelques mois avant la mort de celui-ci, en 1974, le Bost ouvre ses portes. Arnaud initie alors un travail de transmission auprès de quelques personnes dont certaines avec qui il était déjà en contact depuis la fin des années soixante, à Paris. Il publie À la recherche du Soi, ouvrage en quatre tomes, qui pose les bases de l’enseignement de Swâmi Prajnânpad tel qu’il l’incarne et le transmet désormais. En 1983, face aux demandes croissantes de nouveaux venus, l’ashram déménage dans le Gard, dans un lieu plus vaste, Font d’Isière. Les demandes continuent de s’intensifier et aboutissent à la création, en 1995, d’un troisième ashram dans un lieu encore plus vaste : Hauteville, à Saint Laurent du Pape, en Ardèche.
Durant les années qui suivent, Arnaud, assisté de sa seconde épouse Véronique Desjardins, dirige Hauteville dans tous ses aspects et veille personnellement à l’harmonie de l’ensemble, depuis la dynamique de l’équipe des permanents qui prennent soin du lieu jusqu’aux travaux de construction et d’embellissement.
Il transmet inlassablement l’enseignement qu’il a reçu de son maître et s’entoure de collaborateurs, disciples confirmés, chargés de l’aider dans cette tâche. Il les prépare, en outre, à ce qu’il nomme lui-même « l’après Arnaud » afin qu’ils puissent assurer la continuité de la transmission après sa mort. Plusieurs livres paraîtront, écrits à partir des causeries données chaque jour à Hauteville et ailleurs (Québec, Mexique…).
Hauteville est également le lieu de rencontres avec des représentants et des maîtres de diverses traditions spirituelles dont certains, comme Jacques Castermane ou Lee Lozowick, interviendront régulièrement dans la vie de l’ashram.
Tous les ans, Arnaud et Véronique se rendent pendant deux ou trois mois au Québec, à l’ashram de Mangalam, animé par Éric et Sophie Edelmann, pour des sessions d’enseignement. Arnaud appelait volontiers Mangalam son « deuxième ashram »
En juillet 2011, alors qu’il anime une réunion d’enseignement à Hauteville, Arnaud est victime d’une rupture de l’aorte. Opéré en urgence, il décède quelques semaines plus tard, le 10 août 2011, à Grenoble.